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Ma mère à la fête

J’adore les livres qui mettent en scène des parents qui ont des failles. Je sais pas vous, mais moi, depuis que je suis parent, j’ai souvent envie de crier à tue-tête, à tout le monde en général (et souvent à mes enfants en particulier), que mince alors, moi aussi je reste un enfant, après tout. Pourquoi y’aurait-il une barrière imperméable, comme si on parlait de deux mondes distincts, et pas d’une mutation en constante évolution, d’un être un et unique qui se transforme tout au long de l’existence mais garde en lui toutes ses incarnations? Bizarrement, depuis que je suis devenue parent, je continue à bouder, à manger trop de bonbons, à rire de choses idiotes, et à vouloir me coucher trop tard. Me coucher tard? Ah non, ça en fait non.

Alors j’ai particulièrement apprécié Ma mère à la fête de Gwendoline Raisson & Magali Bardos, un petit recueil fantaisiste consacré à une mère délicieusement imparfaite, tant dans sa tendance à faire des bêtises qu’à manquer occasionnellement de la patience et la disponibilité nécessaires pour entendre son tendre et insolent petit garçon. Des histoires où les rôles pré-établis sont dynamités par le principe de réalité. Le livre rassemble trois petites histoires. Un cadeau pour ma mère et Ma mère m’adore tournent autour d’un joli poème célébrant le luxe de ne rien faire si ce n’est écouter le vent ou compter les nuages blancs. Les deux soulignent deux travers fréquents de la maternité (ça marche aussi pour la paternité): l’urgence permanente à laquelle on tend à soumettre les enfants, et la sur-stimulation (quand tu auras fini ton atelier de peinture sur céramique et ta lecture Montessori, tu voudras bien mettre ton maillot de bain sous ton kimono pour ton cours de natation avant d’aller à ton cours de judo, et mettre dans son sac ta flûte traversière et ton cahier de solfège? Nickel, merci!) (je caricature à peine).

Le problème avec les failles, c’est que certes, elles nous humanisent, mais quand les gosses les repèrent, ils s’y engouffrent sans pitié (sales bêtes!).

"Ma mère à la fête" de Gwendoline Raisson & Magali Bardos
Oh, tiens, un biopic de moi!

Pour le coup, le petit garçon du livre est mutin certes, mais plein d’amour. Il parle de sa maman, tout le temps pressée, en usant d’un petit bestiaire lexical des plus charmants qui offre de jolies opportunités d’illustrations. Par exemple:

"Ma mère à la fête" de Gwendoline Raisson & Magali Bardos

A la fin, ils prennent le temps d’écouter son poème.

Dans l’autre histoire, la maman, qui aime tellement fort son garçon, et croit tellement en lui…

… qu’elle se met en tête de lui donner toutes les armes possibles et imaginables: apprendre l’alphabet, savoir jouer d’un instrument, parler allemand couramment…

"Ma mère à la fête" de Gwendoline Raisson & Magali Bardos

Mais à la fin, le petit garçon ne veux pas être un singe savant, juste prendre le temps de lui réciter son poème et…

"Ma mère à la fête" de Gwendoline Raisson & Magali Bardos

Mais mon histoire préférée, même si c’est la moins profonde sur le fond (dans le fond?), c’est Ma Mère est invitée.

"Ma mère à la fête" de Gwendoline Raisson & Magali Bardos

Je sais pas vous, mais moi, quand je sors, je suis presque ivre de bonheur avant même d’avoir ingurgité la moindre goutte d’alcool. Ben quoi, je SORS! Un truc de fou qui me renvoie à ma jeunesse! (il y a aussi l’option où je râle parce qu’on va encore se coucher tard, et comme par hasard les enfants eux vont se lever hypra tôt, et on va encore être encore plus crevés en terminant le week-end qu’en le commençant, etc., etc., mais ça ne sert pas mon propos). Bref, ici, la maman est invitée à une fête, ça a l’air de la réjouir comme si elle n’était plus sortie depuis la boum de sa copine Katia quand elle était en 4ème B, et du coup, elle accumule les faux pas, ambiance « Faites ce que je dis, pas ce que je fais ». Diapo:

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Sacrilège! (et encore, je ne vous ai pas mis la planche où elle se met les doigts dans le nez,  ni même celle où elle dit du mal de ses amis, je renâclais à m’y identifier). Bref, cette maman se laisse plaisamment aller sous les yeux mortifier de son rejeton, en pleine crise d’incompréhension:

"Ma mère à la fête" de Gwendoline Raisson & Magali Bardos

C’est vrai.

Mais ce que je préfère, dans l’affaire, c’est qu’après s’être faite sermonner par son aîné, la mère émancipée reprend de plus belle dès qu’il a le dos tourné, n’hésite pas à enchaîner les gros mots, ou pire encore (oui, pire), à « jouer sur son téléphone aux jeux les plus idiots » (keurkeur comme dirait l’autre).

Ma mère a la fête est un recueil très drôle, il est d’ailleurs édité dans la collection Off-Pastel, « une collection de livres d’humeur, de livres d’humour, qui parlent aux enfants et aussi aux plus grands, des livres singuliers avec un brin de folie ou de philosophie qui sortent des rails sans toutefois dérailler, quoique », nous dit la 4ème de couverture. J’aime bien cette présentation!

J’aime beaucoup les dessins un peu bruts de Magali Bardos, qui en quelques traits et aplats de couleurs mettent habilement en scène les situations – j’adore aussi la police d’écriture des titres, je veux la même! Et bien sûr, les textes délicieusement drôles qui ne reculent jamais devant une jolie rime de Gwendoline Raisson. Et surtout, j’adore la liberté des personnages, la mère comme le fils, leur liberté de ton, et leur liberté de dire à l’autre ce qu’il ressentent, toujours avec bienveillance, et pourquoi pas même avec poésie. Et puis le livre se met à hauteur d’enfants, et permet de voir comment on nous voit d’en bas (un peu foufous, pas toujours fiables, mais très aimants, c’est le principal).

Et hop, encore une belle découverte à la bibliothèque!

Ma mère à la fête de Gwendoline Raisson et Magali Bardos, édité par L’Ecole des Loisirs dans la collection OFF-Pastel (2012)

PS: comme je me renseigne un peu quand j’écris des posts histoire de ne pas mourir idiote (on n’est jamais à l’abri), j’ai découvert que ce livre était en fait une suite de Ma mère dans tous ses états, que je serais ravie de découvrir au hasard de mes prochaines pérégrinations à la bibliothèque!

PPS: on participe à la chouette initiative « Chut, les enfants lisent » de Devine qui vient bloguer?

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